Préparation à la naissance
Cet article fait partie du Thème Naître Préparation à la naissance |
Sommaire
[masquer]- 1 Une naissance naturelle
- 1.1 Deux manières d'entrevoir la naissance
- 1.2 Les mécanismes en jeu lors d'un accouchement physiologique
- 1.3 Comment le déroulement physiologique de la naissance est sans cesse perturbé
- 1.4 Quel accueil fait-on au nouveau-né ?
- 1.5 Les sages-femmes sont moins interventionnistes que les médecins pour une sécurité identique
- 1.6 Les conséquences à différents niveaux de l'hypermédicalisation de la naissance
- 2 Votre bébé est le plus beau des mammifères
- 3 Voir aussi
Une naissance naturelle
Deux manières d'entrevoir la naissance
La première consiste à considérer la grossesse comme une situation à risque nécessitant un maximum de surveillance et l'accouchement comme l'extraction du foetus du ventre maternel. La deuxième consiste à voir la grossesse et la naissance comme une suite de processus physiologiques qui se passent le plus souvent normalement et qu'il est inutile de perturber.
Dans le premier cas, la mère est un sujet passif de son accouchement, mené par le corps médical. La future maman est soumise à un protocole hospitalier qui définit des règles pour la surveillance de la grossesse et le déroulement de l'accouchement, incluant généralement de nombreux examens et la multiplication des échographies qui sont source d'angoisse, le déclenchement de l'accouchement impliquant perfusion d'ocytocine, immobilisation de la mère, recours plus fréquent à la péridurale, aux forceps, aux césariennes. Enfin, à sa naissance, le bébé est alors soumis à une batterie de soins et examens servant à vérifier "que tout va bien"... Dans le deuxième cas, la mère est actrice de son accouchement. La surveillance de sa grossesse est effectuée le plus généralement par une sage-femme. Son accouchement se déroule de manière physiologique, sans déclenchement, en maison de naissance ou à domicile, avec l'aide d'une sage-femme ou d'une doula, prête à réagir s'il le faut, au cas par cas et à ne rien faire si rien ne l'exige comme dans 90 % des accouchements.
Madeleine Akrich (sociologue française) et Bernike Pasveer (sociologue hollandaise) ont écrit dans "Comment la naissance vient aux femmes - les techniques de l'accouchement en France et aux Pays-Bas" : "Nous nous demandions comment il était possible qu'existent en cette fin de XXème siècle deux formes d'organisation aussi contrastées, dans lesquelles l'utilisation des techniques soit si inégale, et qui conduisent à des performances en terme de mortalité et de morbidité, sinon équivalentes, du moins voisines, les meilleurs résultats étant d'ailleurs plutôt du côté des solutions les moins instrumentées". Leur conclusion est que la différence entre les deux systèmes est qu'aux Pays-Bas grossesse et accouchement "sont a priori normaux et ne doivent faire l'objet d'une prise en charge médicale que dans des cas bien spécifiés, alors qu'en France, ils ne peuvent être qualifiés de normaux qu'a posteriori".
Les mécanismes en jeu lors d'un accouchement physiologique
Pour mettre un enfant au monde, la femme doit libérer un cocktail d'hormones. C'est la partie primitive de son cerveau, constituée des structures cérébrales anciennes (hypothalamus, hypophyse) que nous partageons avec l'ensemble des mammifères, qui produit ces hormones. A l'inverse, la partie "récente" du cerveau, si développée chez les humains, appelée le néo-cortex, constitue un frein au déroulement physiologique de l'accouchement par les inhibitions qu'il génère lorsqu'il est stimulé. Pour accoucher physiologiquement, la femme a donc besoin d'être à l'abri des stimulations de son néo-cortex, qui sont provoquées par le langage, la lumière forte, le fait de se sentir observé, le fait de ne pas se sentir en sécurité.
L'ocytocine est l'hormone de l'amour, libérée pendant l'accouplement par les deux partenaires, par la mère juste après la naissance en réaction au signal du bébé, mais aussi lorsque nous partageons un repas avec d'autres compagnons. Elle joue aussi un rôle dans la reproduction, en provoquant des contractions utérines qui facilitent le transport des spermatozoïdes vers l'ovule.
La prolactine est l'hormone du maternage, impliquée dans la construction du nid et dans les comportement protecteurs envers son bébé et agressifs envers les autres, de la femelle qui allaite. Elle est l'hormone nécessaire à l'initiation et au maintien de la lactation.
Les endorphines sont notre système de récompense. Lorsque nous faisons quelque chose qui est nécessaire à la survie de l'espèce, nous sécrétons ces hormones proches de la morphine, à la fois hormones du plaisir et hormones anti-douleurs. Les endorphines sont ainsi sécrétées pendant les rapports sexuels, nous encourageant ainsi à nous accoupler pour la survie de l'espèce. Tous les mammifères se protègent de la douleur pendant l'accouchement en élevant leur taux d'endorphines. Le foetus secrète lui aussi ses propres endorphines pendant l'accouchement, de sorte qu'à la naissance, mère et bébé sont encore sous l'effet de ces opiacés naturels qui permettent le début d'une dépendance et d'un attachement de l'un à l'autre. Après la naissance, quand le bébé tète, le taux d'endorphines de la mère passe par un maximum après une vingtaine de minutes d'allaitement, la récompensant elle et son bébé, et les plongeant l'un et l'autre dans un état de bien-être profond.
Les hormones de l'adrénaline sont à l'inverse celles qui provoquent l'inhibition lors des différents épisodes de la vie sexuelle et reproductrice. Elles sont mises en jeu quand la survie de l'individu est menacée et passe en priorité devant la survie de l'espèce. Voilà pourquoi on ne peut pas faire l'amour quand on est en danger, et pourquoi un accouchement ne peut pas progresser quand la mère est angoissée. Les freins néo corticaux, plus puissants chez les humains que chez tout autre mammifère, provoquent ces inhibitions, rendant notre espèce particulièrement vulnérable lors des différentes étapes de la vie sexuelle que sont l'accouplement, l'accouchement et l'allaitement.
Jusqu'à une époque récente, une femme ne pouvait pas avoir de bébé sans sécréter ce cocktail complexe d'hormones de l'amour. Or aujourd'hui, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la plupart des femmes des pays industrialisés deviennent mères sans s'imprégner de telles hormones. On peut s'interroger sur l'avenir d'une civilisation née dans de telles conditions...
Comment le déroulement physiologique de la naissance est sans cesse perturbé
L'accouchement en hôpital ou clinique s'accompagne d'une absence d'intimité, qui est pourtant un besoin fondamental de la femme (et de la femelle) qui accouche. Naturellement, celle-ci recherchera un espace clos, familier, pas trop grand, avec peu de lumière, de bruit et de monde autour d'elle. Elle a aussi besoin de connaître la personne qui va l'assister (ce qui n'est pas toujours possible) et c'est pourquoi le va-et-vient dans la salle de travail de personnes inconnues pratiquant des gestes intrusifs l'empêche de se sentir rassurée.
Le déclenchement de l'accouchement au moyen d'une perfusion d'ocytocine synthétique (et parfois de misoprostol, interdit pour cet usage) est de plus en plus fréquent : 20,3 % en moyenne en 1998 (alors que l'OMS recommande un taux < à 10 %), contre 15,5 % en 1991, 10,4 % en 1981 et 8,5 % en 1972. Pourtant, selon l'avis même du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français, on observe en cas de déclenchement "des contractions plus intenses et douloureuses, une utilisation plus fréquente du forceps" et une augmentation "de plus de 50 % du risque de césarienne dans le cas d'un premier accouchement", ce qui en fait "un geste médical sans bénéfice médical prouvé". Le déclenchement c'est aussi et surtout plus de risque de souffrance fœtale pour le bébé qui se trouve "expulsé" de l'utérus maternel sous l'intensité de contractions qu'il n'a pas lui-même déclenchées.
La péridurale, pratiquée dans 58 % des accouchements en France en 1998 n'a pas que des avantages. Conséquence directe du déclenchement en raison de l'intensité douloureuse des contractions qu'il provoque, elle a d'autres conséquences sur le déroulement du travail. Elle oblige la femme à rester immobile et couchée, ce qui empêche l'adoption de positions d'accouchement plus physiologiques ; elle peut entraîner une chute importante des contractions, en terme de quantité et de qualité ; et être à l'origine d'une baisse de tension. L'expulsion du bébé peut être rendue difficile s'il s'engage mal dans un bassin dont la mobilité est réduite et l'emploi de forceps ou ventouses sera plus fréquent si les sensations ressenties par la maman sont trop diminuées au moment de la poussée. Elle peut avoir des ratés (un seul côté endormi) et des effets secondaires pour la maman (maux de tête invalidants). Pour finir, plusieurs études ont montré un effet sur la capacité de succion du bébé qui peut avoir des conséquences sur le démarrage de l'allaitement.
Selon une étude, sur 1 692 accouchements qui se sont déroulés entre 1991 et 1994, on obtenait :
- Sans péridurale: Césariennes: 11,64 % | Episiotomies: 15,06 % | Forceps: 2,48 % | Allaitement: 75 %
- Avec péridurale: Césariennes: 24,87 % | Episiotomies: 47,06 % | Forceps: 16,04 % | Allaitement: 58 %
La position d'accouchement imposée en salle de travail : couchée sur le dos, les pieds relevés dans les étriers est anti-physiologique. Elle oblige le bébé à "monter une côte" pour sortir, faisant fi de la pesanteur qui favorise pourtant la rotation de sa tête. Elle provoque douleurs dans les reins, le poids du bébé pesant sur la colonne vertébrale de sa mère, et perturbe les échanges sanguins et respiratoires vers l'utérus et le placenta augmentant ainsi le risque de souffrance foetale. En situation physiologique, les femmes prennent des positions tout à fait différentes (à quatre pattes, accroupie, assise soutenue sous les bras, debout accrochée à une corde...) et ressentent le besoin de se verticaliser au moment de l'expulsion. (Voir à ce sujet les posters du National Childbirth Trust.)
En France, en moyenne, l'épisiotomie est pratiquée dans 60 % des accouchements (près 100 % pour les primipares dans certains établissements), contre 13 % en Angleterre et environ 6 % en Suède. (Source : Viswanathan M, Hartmann K, Palmieri R, Lux L, Swinson T, Lohr KN, Gartlehner G, Thorp J Jr. The Use of Episiotomy in Obstetrical Care: A Systematic Review. Evidence Report/Technology Assessment: Number 112. Agency for Healthcare Research and Quality, 2005). L'OMS recommande un taux ne dépassant pas 20 %. Aucune étude (consulter la bibliographie sur le site de l'AFAR) n'a prouvé un effet bénéfique de l'épisiotomie sur les trois indications qui la justifient pourtant : prévention des déchirures du périnée - dont elle accroît au contraire la fréquence et la gravité -, prévention des incontinences urinaires ou anales et des prolapsus (ou descentes d'organes). En revanche ses inconvénients sont nombreux : lors de l'accouchement, plus de pertes de sang ; à court terme en post-partum, plus de douleur limitant le choix de positions d'allaitement ; à long terme, risque de mauvaise cicatrisation et de lésions du sphincter anal, douleurs lors des rapports sexuels pouvant perdurer de longs mois. Une déchirure spontanée du périnée survient rarement s'il a été préparé pendant la grossesse (par le yoga par exemple), si la mère prend une position qui lui est favorable, et si elle n'est pas soumise à des poussées dirigées. Une déchirure spontanée est de toute façon préférable à une épisiotomie car elle saigne moins, cicatrise mieux et n'entraîne pas plus de séquelles ou de douleurs post-partum.
Les taux de césariennes révélés par les récentes enquêtes périnatales montrent bien l'hypermédicalisation croissante des accouchements en France (et la plupart des pays industrialisés) :
- 1981: 10,9 %
- 1995: 15,9 %
- 1998: 17,5 %
Pourtant la césarienne n'est pas un accouchement banal, mais une intervention chirurgicale aux suites douloureuses, avec des risques de complication pour la mère et pour le bébé, qui laisse bien souvent un vécu personnel dramatique aux femmes qui l'ont subie. Trop souvent pratiquées d'office (2 fois sur 3) en cas de précédente césarienne, elles sont très souvent la conséquence des perturbations de la physiologie naturelle de l'accouchement et le résultat de protocoles médicaux qui ne respecte pas la durée physiologique des processus de l'accouchement.
Quel accueil fait-on au nouveau-né ?
Au lieu de laisser l'enfant se comporter de manière innée, on s'empresse de couper le cordon ombilical qui n'a pas encore cessé de battre et de séparer l'enfant pour la première fois du corps de sa mère pour l'examiner et lui procurer des soins qui pourraient attendre (bain, pesée qui refroidit et mesure de la taille qui oblige l'enfant encore en position foetale à s'étirer). Certains soins sont abusivement pratiqués en routine, comme l'aspiration gastrique qui est une drôle de façon d'introduire le bébé à l'oralité (!), avec, à la clé, deux fois sur trois, des conséquences néfastes sur sa capacité à téter. Refroidi par cette séance d'examens et de soins, l'enfant est habillé et mis en isolette ou couveuse pour se réchauffer, au lieu d'être placé sous un drap ou une couverture, peau à peau contre sa mère qui est parfaitement capable de le réchauffer pour le plus grand bénéfice des deux et de la relation qu'ils mettent en place.
En effet, toutes les études, qu'elles soient d'approche éthologique ou médicale portant sur les hormones en jeu à la naissance, s'accordent sur l'importance de la période critique où l'enfant va avoir ses premiers contacts, ses premiers échanges, ses premiers accordages, fondamentaux pour le processus d'attachement avec sa mère.
Or, le respect des processus physiologiques de la naissance permet la mise en place naturelle et spontanée d'une série d'éléments favorisant cet accordage, pour peu qu'on ne sépare pas l'enfant de sa mère. Ainsi, la noradrénaline sécrétée pendant les dernières contractions utérines provoque une dilatation des pupilles du bébé de sorte que celui-ci naît avec un regard captivant pour sa mère, qui ne pourra plus "le quitter des yeux". Cette hormone joue aussi un rôle en facilitant l'apprentissage olfactif du bébé. Déjà familiarisé avec l'odeur de sa mère pendant la vie intra-utérine, le bébé âgé de moins de 10 jours est capable de distinguer un tampon qui a été en contact avec le sein de sa mère d'un tampon mis en contact avec le sein d'une autre mère. Une autre étude a montré que, dès le troisième jour, le bébé distingue l'odeur du sein maternel de l'odeur homologue d'une autre mère ayant un bébé du même âge. Il distingue aussi l'odeur du cou de sa mère, et celle de sa bouche, construisant une véritable carte d'identité chimique de sa mère, à condition de ne pas être trop souvent séparé d'elle.
Les sages-femmes sont moins interventionnistes que les médecins pour une sécurité identique
Selon le rapport du Conseil canadien d'évaluation des projets pilotes des sages-femmes, datant de mars 1998, les chiffres montrent :
- un taux de déclenchement de 5,5 % dans le groupe "sage-femmes", contre 23,6 % dans le groupe "médecin"
- 10,6 % d'administration d'ocytocine, contre 42,4 %
- 21,8 % de monitoring foetal, contre 89,8 %
- 11,3 % de péridurales, contre 49,1 %
- 6,9 % d'épisiotomies, contre 36,5 %
Les conséquences à différents niveaux de l'hypermédicalisation de la naissance
Les études compilées par le centre de recherche en santé primale fondé par Michel Odent en Angleterre -qui s'intéresse à la période primale incluant la vie foetale, la naissance et la première année de vie-, révèlent ceci : "lorsque des chercheurs ont exploré le passé de personnes qui ont exprimé une forme quelconque d'altération de la capacité d'aimer" - les autres ou soi-même- ils ont toujours trouvés des facteurs de risque dans la période autour de la naissance."
C'est le cas dans les expressions de cette altération de la capacité d'aimer que sont la criminalité juvénile, les comportements autodestructeurs (suicide, toxicomanie, anorexie mentale), mais aussi des affections mentales graves comme l'autisme et la schizophrénie.
Votre bébé est le plus beau des mammifères
Extrait de "Votre bébé est le plus beau des mammifères" de Michel Odent.
[...] Lorsqu'elle était une petite fille, elle vivait dans la ferme de ses parents, dans le Dakota du Nord. Son père lui avait confié des responsabilités lors de la naissance des petits cochons, et lui avait donné cette leçon: "Ne te montre pas. Passe inaperçue. Si la truie se sentait observée l'accouchement serait plus long, plus difficile, plus dangereux et, après la naissance, la mère risquerait de se désintéresser de ses pourceaux, voire même d'être agressive. Cependant, tout en étant invisible, tâche de savoir ce qui se passe. En effet les truies, après avoir mis au monde huit, dix bébés ou plus à la fois, peuvent en négliger un ou l'étouffer par inattention. Dans ce cas seulement il faut savoir intervenir." Lorsque cette petite fille est devenue adulte, elle a eu des enfants. Elle s'est retrouvée dans un hôpital pour humains, sur une table, entourée d'experts qui lui disaient de pousser, de ne pas pousser, de respirer comme ceci ou comme cela. Elle a découvert que ces gens n'avaient rien compris à l'accouchement, et a pris conscience de la valeur de la leçon donnée par son père. [...]
Voir aussi
Liens internes
Liens externes
- http://maternage.free.fr/naissance_naturelle.htm ce site est consacré à cet art maternel qu'est le maternage
Bibliographie
- Pour une naissance à visage humain, Claude-Suzanne Didierjean-Jouveau, Michel Odent. ISBN 2883532168
- Elever son enfant autrement, Catherine Dumonteil-Kremer, Ed Laplage, ISBN 2842211014
- Votre bébé est le plus beau des mammifères, Michel Odent. ISBN 2-226-04915-0