Société de contagion
Cet article fait partie du Thème Penser Autonomie |
Si l’on examine la notion de contagion à notre époque, on découvre que c’est beaucoup plus qu’une mésaventure possible sur le plan biologique. C’est devenu un modèle majeur de comportement. Le monde dans lequel nous vivons, quel que soit le pays, la culture ou le régime politique, est devenu d’une façon générale et permanente un monde de contagion.
C’est un mécanisme qui ne se limite plus au seul domaine des maladies. Il a remplacé les mécanismes du choix, de l’examen réfléchi, de la décision personnelle. Tout ce qui se répand dans une société, les modes, les enthousiasmes, les nouvelles religions ou sectes, les drogues, les informations, les nouvelles, se répand par contagion, sur le modèle de l’épidémie, avec les mêmes caractéristiques : rapidité, quantité et impuissance de l’individu.
Quoiqu’elle prétende s’en inquiéter en voulant faire croire qu’elle respecte et défend les libertés individuelles, la société moderne ne rêve à rien d’autre qu’un monde de contagions. Car ce sont exactement ces phénomènes que tout désir de réussite, qu’elle soit personnelle, commerciale ou artistique, souhaite déclencher.
Le premier désir de tout producteur aujourd’hui, quoi qu’il produise, son vœu idéal, c’est que son produit, sa création ou sa renommée se répande avec la rapidité, l’automatisme et l’universalité d’une épidémie.
Qu’on le veuille ou non, qu’on l’admette ou non, la contamination (physique, intellectuelle, religieuse, politique, commerciale, alimentaire, publicitaire, musicale, artistique, etc.) est une des valeurs de référence de la société actuelle.
Un monde de contagions partout et pour tous[modifier]
Dans le registre de la société marchande et de ses nombreuses déclinaisons, les modes, la néopathie et les nouveaux gadgets qui envahissent ce monde procèdent eux aussi du principe de l’épidémie. Le modèle de la maladie contagieuse décrit et explique parfaitement les mécanismes qui permettent aux modes de proliférer sans que les instigateurs de ces "tendances" aient à fournir beaucoup d’efforts en matière de promotion. Le virus de la mode ou du consumérisme se transmet de la même manière que le virus d’une maladie ou le virus informatique : celui qui est atteint communique sa maladie aux individus sains dont le terrain est favorable. Ainsi des maladies comme le consumérisme, la néopathie ou la gadgétomanie se répandent-elles par contaminations successives, sous la forme d’une chaîne ininterrompue d’individus ou de groupes d'individus.
Bien sûr, pour que la maladie d'attirance pour une nouvelle mode ou un nouveau gadget inutile se développe dans le mental d’un individu, il faut qu’elle y trouve un terrain favorable. Un être lucide et vigilant ne peut être trompé par l’illusion de la nouveauté (quelqu'un de sensé est supposé n'éprouver aucun besoin d'acheter une nouveauté qui ne sert à rien). Mais la plupart des gens recherchent dans une mode, un achat, un mythe ou une croyance un refuge moral, une consolation pour échapper à la réalité. La première bêtise venue fera donc l’affaire, surtout si elle est plébiscitée par un grand nombre d'individus (si tout le monde l'achète il "faut" que je l'achète aussi). Dès lors, le nouveau converti devient à son tour un exemple à suivre, c’est-à-dire que le contaminé devient à son tour contagieux. Ce mécanisme particulièrement visible chez les néopathes, les intégristes religieux ou les membres de "fan clubs" s’appelle “fanatisme”.
Le fanatique est un individu rendu aveugle par le mythe auquel il cherche à s'identifier et qui a échangé sa personnalité avec celle proposée par la doctrine. On sait le mal que peut faire l’endoctrinement ; on peut vraiment le comparer à l’inoculation volontaire d’une maladie. Qu'il s'agisse d'une religion, d'une croyance, d'une mode, d'un accoutrement, d'une passion ou d'un délire collectif, le mécanisme agit toujours de la même façon.
Le progrès technologique est malheureusement en grande partie responsable de ce monde de contagions : la vitesse avec laquelle circulent les informations et les publicités grâce à la télévision, Internet et la radio, permet de répandre à l’échelle planétaire n’importe quelle rumeur, n’importe quelle bêtise et d’influencer l’opinion de millions d’individus dans n’importe quelle direction.
Il suffit d'aller sur Internet pour constater que pour une information valable et véridique, on trouve au moins mille informations fantaisistes ou délirantes !
C’est pourquoi l'écosophie nous invite à faire toujours preuve d’une très grande prudence à l’égard de tout ce qui se dit à la télé, à la radio, sur Internet ou dans les journaux, tant il est vrai que les journalistes cherchent surtout le sensationnel, au détriment de la vérité. La preuve a été faite en tout cas qu’on ne peut pas espérer, pour de multiples raisons (notamment politiques et mercantiles), entendre la vérité à la radio ou à la télé ! La télévision, la radio, les fanatismes religieux, les supermarchés et la publicité, ce sont bien les maladies contagieuses de notre temps.
Comment guérir ? Comment se prémunir ?[modifier]
Nous ne pouvons subir d’influence mentale que si nous prêtons une attention intéressée au monde de la contamination, que si quelque chose, en nous, devient délibérément complice. Si l’on fait preuve d’un minimum de vigilance on ne peut se laisser séduire par les charmes trompeurs du monde de la contagion. C’est par le mental que le monde de la contamination peut nous atteindre. En apprenant à nous connaître nous-mêmes nous guérissons et nous devenons invulnérables à toutes les contagions psychiques.
En d’autres termes, cela signifie clairement que si nous tombons dans les pièges séducteurs de ce monde mercantile, c’est seulement avec notre complicité et par esprit de convoitise et de désir égoïste de satisfaction immédiate. La lucidité est donc le remède absolu.
En pratique il s’agit dans un premier temps, que nous pouvons assimiler à une période de quarantaine et de sevrage, de s’abstenir de façon rigoureuse et volontaire de tout ce qui est susceptible de vous contaminer mentalement :
- ne plus regarder la télévision pendant plusieurs mois,
- ne jamais lire les journaux ni écouter la radio…
- Vivre simplement en s'occupant de soi et de ses proches, bref s'adonner à la simplicité volontaire.
Ensuite il ne faut jamais faire confiance à la parole de ceux qui ont un quelconque intérêt personnel ou collectif car il déformeront ou trahiront toujours la vérité pour servir leurs propres intérêts. La publicité, les arguments de vente du commerçant, les discours politiques, les sermons des prêtres sont autant de propos suspects à ne pas écouter et à dénoncer.