Énergie nucléaire : Différence entre versions
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− | * | + | * Complexe de Mayak, URSS, 1957. Suite à un mauvais conditionnement et une gestion incroyablement irresponsable, une panne provoque les déchets de cette usine de retraitement à émettre des gaz qui réagissent et provoquent une explosion chimique, projetant à plus d'un kilomètre d'altitude des matières radioactives. De source officielle<ref>[http://atomicsarchives.chez.com/kychtym.html Atomic Archives - Enfin une demi-vérité sur l'autre Tchernobyl]</ref>, plus de 3000 personnes présentèrent une contamination à des niveaux dangereux et 10.000 furent évacuées, la zone étant peu peuplée. Plusieurs dizaines de kilomètres carrés présentent aujourd'hui une contamination comparable à celle de la zone interdite de Tchernobyl. |
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− | * | + | * Three Mile Island, USA, 1979. Suite à des erreurs techniques et humaines, le cœur de cette centrale entra en fusion partielle. Le bouclier de confinement tint bon et il n'y eut pas de rejet des matériaux du cœur à l'extérieur, seule l'eau irradiée du circuit de refroidissement s'échappa. Aucun mort, irradiation a priori insignifiante mais l'on observa une baisse de la natalité humaine et animale par la suite. Cependant, le cœur venait d'être remis en service, ce qui a joué favorablement : avec une irradiation normale, l'activité du cœur aurait été plus grande. |
− | * | + | * Wind Scale, Grande Bretagne, 1957. Suite à des défauts de conception (le réacteur fut initialement construit à la hâte pour le programme d'armement nucléaire britannique et reconverti par la suite), le réacteur finit par prendre feu. En l'absence de procédures établies, pendant 24h de l'eau fut envoyée sur le réacteur et se dispersa dans l'environnement, charriant avec elle des quantités de radioactivité un million de fois plus faibles que celles de Tchernobyl. Des mesures de précaution furent prises mais il est impossible d'évaluer s'il y eut des conséquences sanitaires. |
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Version du 30 juillet 2010 à 22:39
L'énergie nucléaire désigne l'énergie libérée par la fission ou la fusion des noyaux des atomes.
Sommaire
Introduction
Découverte dans les années 1930, la fission nucléaire est utilisée à des fins civiles et militaires. Elle consiste à scinder un noyau atomique lourd (uranium par exemple) en noyaux plus petits. 1% de la masse est perdue au passage et convertie en énergie. C'est le principe utilisé par les centrales nucléaires actuels et par les premières bombes atomiques.
La fusion nucléaire consiste à fusionner deux petits noyaux en un plus gros (typiquement, deux noyaux d'hydrogène fusionnant en un noyau d'hélium). 10% de la masse est perdue au passage et convertie en énergie. C'est le principe utilisé actuellement par les bombes à hydrogène. D'éventuels usages civils sont très prometteurs (hydrogène et deutérium se trouvent aisément et l'hélium produit ne serait pas radioactif) mais les recherches menées depuis 40 ans n'ont toujours pas abouties même si des progrès ont été réalisés.
Place de l'énergie nucléaire
Voir aussi Limites des énergies renouvelables.
Aujourd'hui, l'énergie nucléaire représente 80% de la production électrique française et 6.5% de la production électrique mondiale. Cette énergie constitue une alternative aux énergies fossiles, ce à quoi les énergies renouvelables ne peuvent que partiellement prétendre de par leurs limites. Par exemple, l'énergie éolienne et photovoltaïque ne peuvent produire en l'absence de vent ou de soleil. Et puisqu'il est beaucoup trop coûteux et problématique de stocker l'électricité en masse, même si nous développions les énergies renouvelables à leur maximum en France, nous aurions toujours besoin de centrales conventionnelles, fossiles ou nucléaire, capables de produire sur demande.
Cela dit, la puissance d'une centrale nucléaire ne peut pas être rapidement ajustée, il faut une heure pour arriver à pleine puissance en partant d'une centrale nucléaire au repos. Au mieux, elle ne peut donc fournir que le gros de la production. Les variations rapides de la consommation (ou de la production des renouvelables : baisse du vent ou de la luminosité) doivent toujours être compensées par les centrales fossiles. Dès lors, l'essor des énergies renouvelables fait que le secteur nucléaire devra se contracter pour laisser une part plus grande aux centrales fossiles.
Enfin, le nucléaire ne peut prétendre à se substituer largement dans le monde aux énergies fossiles : les stocks disponibles de combustible seraient trop faibles et tous les pays ne disposent pas des compétences et de la stabilité nécessaires.[1]
Quelles alternatives réalistes au nucléaire pour la France ?
L'alternative la plus simple serait de faire ce qu'on l'on fait dans la plupart des pays développés (hormis ceux ayant un potentiel hydroélectrique exceptionnel, comme le Brésil) : utiliser principalement les énergies fossiles, notamment le charbon, pour un coût de l'électricité globalement similaire et des émissions fortement accrues (environ 50% avec du gaz naturel, 100% avec du charbon). Mais serait-il possible de miser avant tout sur les énergies renouvelables ?
L'association Sortir du nucléaire a proposé un plan[2] de sortie en 5 à 10 ans qui utiliserait au maximum les économies d'énergie et se résoudrait à utiliser les énergies fossiles pour le reste. Voilà ce qu'il en ressort :
- Les émissions de CO2 seraient augmentées de 20%, du fait du remplacement des dispositifs électriques de confort thermique (climatisation, chauffage) par l'usage de bois et de gaz naturel, ce qui contredit les objectifs de réduction des émissions de Kyoto.
- Les centrales fossiles en elles-mêmes émettraient beaucoup plus de CO2 mais leurs émissions seraient enterrées dans le sol via des procédés controversés de stockage géologique du CO2.
- Le plan inclut un déploiement très rapide d'importantes mesures d'économie d'énergie qui, de toute façon, devront être mises en œuvre pour satisfaire les objectifs de Kyoto et ce quels que soient nos futurs choix énergétiques. Le fait qu'en dépit de ces économies le plan prévoit une hausse des émissions le positionne comme peu apte à satisfaire de futurs objectifs de réduction des émissions.
- Les questions du coût financier n'est jamais abordé. Si l'on passe sur la question des sommes nécessaires à une transition si rapide pour envisager ce plan dans le long terme, la redondance des installations (fossiles + renouvelables + stockage de l'énergie et du CO2), les tendances à long terme du coût des énergies fossiles et la moindre efficacité des énergies renouvelables laissent deviner que le coût au kWh pourrait plus que doubler. Mais il est vrai aussi que la consommation baisserait significativement dans un tel plan.
- La plan mise fortement sur le gaz naturel en ignorant les questions géostratégiques qui y sont liées : les gisements russes seront bientôt épuisés et des difficultés persistent pour nos approvisionnements au Maghreb et en Asie mineure.
Coûts financiers
Aujourd'hui, la France dispose d'un tarif électrique dans la moyenne européenne[3] et indépendant des cours des énergies fossiles qui augmenteront sur le long terme. Mais la question du coût réel et futur de l'énergie nucléaire fait l'objet d'une controverse. Les raisons en sont les suivantes :
- Les premiers investissements dans le nucléaire civil furent réalisés par l'État français et non par EDF, le budget de cette entreprise ne fut donc pas grévé par les emprunts correspondants. Or, la France va devoir renouveler son parc si elle maintient son choix nucléaire. En France, ce coût serait estimé à 345 milliards d'euros[4] (plutôt 500 milliards en fait : ces chiffres étaient basés sur l'expérience anglaise alors que la France miserait sur l'EPR, plus coûteux au départ). La somme semble gigantesque mais il faut relativiser : sur 40 ans et en conservant la production actuelle de 400 TWh, cela représenterait 2 centimes par kWh.
- Un autre facteur est le coût de la matière première. En réponse aux tendances inflationnistes sur le long terme des énergies fossiles, l'énergie nucléaire connaît un nouvel essor mondial, ce qui exerce une pression sur les prix des combustibles. Cela dit, le coût de ces matières premières ne représente aujourd'hui que 12% du coût de production.[5]. Même si ce coût venait à doubler, le prix final n'en serait que peu affecté.
- Le coût du démantèlement est également souvent évoqué comme une autre source d'énigme. Initialement grandement sous-estimé, les expériences se sont multipliées ces dernières années, en France et à l'étranger, et on commence à en avoir une meilleure idée. Celui-ci serait en fait supérieur à dix milliards.[6] Là encore, pas de quoi grandement réévaluer le coût du nucléaire.
- Enfin, il faut prendre en compte que puisque la seule alternative au nucléaire ayant des émissions faibles de CO2 est un mix renouvelables-fossiles, et puisque ces solutions sont elles-mêmes coûteuses (redondance des installations, coût à long terme du combustible fossile, coûts élevés des solutions renouvelables), le nucléaire apparaît bien comme économiquement pérenne.
Sécurité
Le court article sur la radioactivité vous éclairera sur ces problèmes et les unités utilisées.
En substance, une installation nucléaire civile présente des risques comparables à d'autres activités industrielles : déflagration et contamination. Mais la nature de la radioactivité place les installations nucléaires parmi les industries les plus dangereuses. Concernant la contamination, nous verrons ce qu'il en est plus tard, en examinant les accidents qui eurent lieu dans le passé.
A propos de déflagrations, on parle de risques d'explosion chimique et non nucléaire : les installations nucléaires conventionnelles (tous les réacteurs français) n'utilisent pas de réactifs susceptibles de causer une explosion nucléaire. En revanche, certains réacteurs militaires ou des réacteurs civils expérimentaux à neutrons rapides (comme le fut Superphénix mais il n'en existe plus en France) peuvent manipuler ce genre de produits. Ça ne signifie pas que le risque soit négligeable : une explosion chimique peut être particulièrement violente, il suffit de se rappeler celle de l'usine AZF de Toulouse. Et, surtout, une telle explosion disperse les produits radioactifs qui sont sur place.
Enfin, notons que même si les accidents sont rendus improbables, ils finiront toujours par arriver sur une période suffisamment longue. La question est donc de savoir si le nucléaire constitue un risque acceptable ou non.
Différences entre les réacteurs conventionnels et Tchernobyl
Fichier:Thermal reactor diagram.png
Pour qu'un réacteur nucléaire soit fiable, il doit être conçu de façon à ce que la réaction de fission ne puisse se produire que lorsque les systèmes sont actifs et générer lui-même, naturellement, les conditions qui le pousseront à s'arrêter en cas de problème. Autrement dit il doit présenter des rétro-actions négatives.
Par exemple, dans les réacteurs conventionnels (y compris l'EPR), l'eau agit à la fois comme modérateur (la couche qui ralentit les neutrons) et fluide caloporteur (chargé de refroidir le réacteur). Si la réaction s'accroît, l'eau chauffe (caloporteur) et sa densité diminue. Puisque l'eau est aussi le modérateur, les neutrons ne sont plus ralentis et arrivent trop vite pour provoquer d'autres fissions : ils s'échappent alors vers les couches de confinement et la réaction tend à s'éteindre. On parle pour de tels réacteurs de coefficients de vide négatifs.
Le réacteur de Tchernobyl, en revanche, présentait un coefficient de vide positif : il n'existait pas de système d'auto-régulation. Au contraire, ils s'y trouvaient des rétro-actions positives : plus la réaction s'intensifiait, plus elle se stimulait ! Voilà pourquoi, en 3 à 5s, la réaction a pu s'emballer et être multipliée par cent. Le réacteur resta par la suite quinze jours en activité. Il est interdit aux États-Unis de construire des réacteurs à coefficient de vide positif.
Accidents graves liés à l'énergie nucléaire civile selon l'échelle INES
La liste suivante est exhaustive. A ce jour on peut donc considérer que seuls deux accident liés au nucléaire civil eurent des effets majeurs sur l'environnement et les populations, ce qui place le nucléaire très en deçà des bilans du tabac, de l'alcool ou de la voiture, ou même des conflits militaires tournant autour des matières fossiles. D'autres accidents comparables à ceux de niveau 5 se sont produits dans le domaine militaire (accident de Béryl, explosion d'un sous-marin nucléaire soviétique) et un autre dans le domaine civil (vente d'un équipement médical à un ferrailleur, au Brésil, en 1987 : 600 personnes gravement atteintes). Plusieurs choses valent d'être notées.
- Trois de ces quatre accidents furent causés par de graves erreurs de conception et témoignent de l'amateurisme des débuts du nucléaire. Les erreurs qui ont causé ces problèmes ont depuis été corrigées (certaines l'étaient déjà ou avaient été évitées dans d'autres pays avant qu'elles ne se produisent) et chaque accident a permis d'améliorer les procédures de sécurité, la conception des installations et la façon de minimiser les erreurs humaines, considérées comme inévitables. Bien entendu, rien ne dit que toutes les erreurs de conception possibles ont été éliminées, ni que de nouvelles n'ont pas été introduites depuis.
- Par ailleurs, les deux accidents les plus graves se sont produits sous l'ère soviétique, ce qui n'est pas anodin : les responsables étaient souvent incompétents (nommés du fait de leur fidélité au parti sans forcément avoir les connaissances nécessaires). Par ailleurs, ces responsables étaient soumis à une forte pression et promus en fonction des résultats de productivité, récompensant ceux qui ignoraient les procédures de sécurité. Malheureusement, on ne peut que faire le parallèle avec les méthodes modernes de gestion, en particulier dans le secteur privé mais pas exclusivement. Faut-il considérer que la privatisation des entreprises gérant le nucléaire est une grave prise de risque, sachant que même lorsque l'État reste majoritaire, l'ouverture du capital conduit systématiquement à des changements de méthode de gestion, afin de satisfaire les actionnaires et leur fournir rapidement les dividendes attendus et une croissance rapide et soutenue ?
- Enfin, pour évaluer les conséquences d'un accident moderne, il faudrait regarder quelles quantités de matières radioactives seraient éjectées et leur nature (demi-vie, influence sur l'organisme, etc). Pour les centrales modernes, leur puissance est légèrement supérieure à celle de Tchernobyl mais elles utilisent moins de combustible pour une même quantité d'énergie produite. En revanche, pour les usines de retraitement de la Hague et de Marcoule, qui stockent des décennies de déchets à haute activité des centrales françaises, une éventuelle volatilisation des déchets serait une catastrophe incomparablement plus grande que Tchernobyl.
Niveau 7
- Tchernobyl, Ukraine, 1986. Suite à un grave vice de conception et une gestion calamiteuse du site, le réacteur s'emballe et une explosion non-nucléaire survient. Selon l'AIEA[7] 1000 personnes furent gravement exposées, causant 134 irradiations aiguës et 28 décès. 600.000 personnes furent aussi affectées d'une surmortalité de 5% via des cancers développés ultérieurement. D'autres estimations estiment que plusieurs dizaines de milliers de cancers ont été ou seront développés du fait de cette catastrophe et imputent également à l'accident une dizaine de milliers de malformations infantiles à travers l'Europe. 488km² demeurent interdits d'accès.
Niveau 6
- Complexe de Mayak, URSS, 1957. Suite à un mauvais conditionnement et une gestion incroyablement irresponsable, une panne provoque les déchets de cette usine de retraitement à émettre des gaz qui réagissent et provoquent une explosion chimique, projetant à plus d'un kilomètre d'altitude des matières radioactives. De source officielle[8], plus de 3000 personnes présentèrent une contamination à des niveaux dangereux et 10.000 furent évacuées, la zone étant peu peuplée. Plusieurs dizaines de kilomètres carrés présentent aujourd'hui une contamination comparable à celle de la zone interdite de Tchernobyl.
Niveau 5
- Three Mile Island, USA, 1979. Suite à des erreurs techniques et humaines, le cœur de cette centrale entra en fusion partielle. Le bouclier de confinement tint bon et il n'y eut pas de rejet des matériaux du cœur à l'extérieur, seule l'eau irradiée du circuit de refroidissement s'échappa. Aucun mort, irradiation a priori insignifiante mais l'on observa une baisse de la natalité humaine et animale par la suite. Cependant, le cœur venait d'être remis en service, ce qui a joué favorablement : avec une irradiation normale, l'activité du cœur aurait été plus grande.
- Wind Scale, Grande Bretagne, 1957. Suite à des défauts de conception (le réacteur fut initialement construit à la hâte pour le programme d'armement nucléaire britannique et reconverti par la suite), le réacteur finit par prendre feu. En l'absence de procédures établies, pendant 24h de l'eau fut envoyée sur le réacteur et se dispersa dans l'environnement, charriant avec elle des quantités de radioactivité un million de fois plus faibles que celles de Tchernobyl. Des mesures de précaution furent prises mais il est impossible d'évaluer s'il y eut des conséquences sanitaires.
Approvisionnement en combustible
Comme pour les centrales fossiles, les stocks d'uranium sont limités. Les réserves accessibles avec un coût inférieur à 130$ par kilo sont aujourd'hui de 60 années[9] en se basant sur la consommation actuelle. Or, cette consommation augmentera à l'avenir même si les réacteurs deviennent plus efficaces (l'EPR revendique un usage du combustible 22% plus efficace que l'ancienne génération de centrales). Cependant, on estime que le fonctionnement de la prochaine génération de centrales nucléaires serait au moins assuré.
L'uranium est extrait sur quatre continents. Les six premiers pays producteurs sont le Canada (30% du total), l’Australie (21%), le Niger (8%), la Namibie (7.5%), l’Ouzbékistan (6%) et la Russie (6%). Une autre partie de l'approvisionnement provient des stocks militaires surnuméraires (États-Unis et Russie) et du retraitement d'une partie du combustible usé.
Enfin, la France utilise également du combustible MOX, constitué de plutonium (assez commun) et d'uranium appauvri (un déchet de l'enrichissement de l'uranium, la phase qui permet, à partir de l'uranium naturellement extrait, de produire l'uranium enrichi utilisée dans les centrales nucléaires conventionnelles). Peu rentable à l'époque, ce choix devrait désormais se développer dans d'autres pays.
Surgénérateurs
A long terme, il existerait un moyen de prolonger l'exploitation du nucléaire, en consommant 50 à 100 fois moins d'uranium pour produire les mêmes quantités d'énergie : la surgénération (réacteurs à neutrons rapides, fast breeders). Ce sujet est, une fois encore, source de nombreuses controverses.
Un surgénérateur est un réacteur nucléaire qui crée plus de noyaux fissiles (noyaux pouvant être scindé en noyaux plus petits selon le principe de la fission nucléaire) qu'il n'en consomme. Cela est possible en transmutant des noyaux fertiles (des noyaux non-fissiles, tels que l'uranium appauvri ou le thorium, et disponibles en grandes quantités) en noyaux fissiles (plutonium par exemple). Le réacteur ne crée évidemment pas de la matière à partir de rien, disons simplement qu'il suffit de lui fournir des éléments plutôt communs qu'il transmutera en combustible et brûlera. Économiquement cela semble attirant mais, en pratique, de nombreuses difficultés techniques font que ce type de réacteur n'est intéressant qu'à partir d'un certain prix de l'uranium. Évidemment, cette technologie prendra plus de valeur à l'avenir. Qui plus est, elle permettrait la transmutation de déchets hautement actifs en combustibles.
Mais ces surgénérateurs ont un défaut rédhibitoire : ils sont dangereux. Tchernobyl n'était pas un surgénérateur mais, comme lui, ces réacteurs présentent des rétro-actions positives qui poussent le réacteur à s'emballer. Il faut des contrôles actifs (qui peuvent échouer) pour contrôler le réacteur et le maintenir à son niveau de réaction, et prévenir l'emballement. Même s'il est vrai que le réacteur de Tchernobyl présentait d'autres problèmes de conception et de gestion et que les surgénérateurs modernes s'emballeraient moins vite, c'est un risque bien supérieur à celui des réacteurs conventionnels.
Enfin, ces surgénérateurs ont connu des destins malheureux dans le passé, souvent arrêtés prématurément. L'exemple le plus célèbre est français, avec Superphénix. Souvent raillé, ce réacteur n'a été exploité que 53 mois. Mais les problèmes techniques initiaux, dû à des erreurs de conceptions et des choix audacieux, n'ont causé que 25 mois d'arrêt. Ce sont avant tout les fermetures administratives (suite à des actions en justice, des interventions parlementaires, la nécessité d'examens, etc) qui ont représenté 54 mois de fermeture. La dernière année, ce réacteur fonctionna même mieux que la moyenne des centrales conventionnelles. Des débats subsistent sur les raisons de sa fermeture par Lionel Jospin en 1997 : pour les uns, cela était dû à un manque d'intérêt économique alors que les prix de l'uranium étaient bas. Pour d'autres, il s'agissait d'une concession faîte au parti des Verts, alors membre important de la "gauche plurielle". Notons un regain d'intérêt récent pour la surgénération : en Inde, du fait de la présence importante de Thorium, et aux Etats-Unis avec le projet Generation-IV pour la prochaine génération de centrales.
Déchets et environnement
Le court article sur la Radioactivité peut se révéler utile pour ce chapitre.
Le grand bénéfice environnemental de l'énergie nucléaire est bien sûr ses faibles émissions en CO2, probablement les plus faibles par unité d'énergie produite, bien plus faibles que celles des énergies fossiles ou du solaire photovoltaïque.[10] En revanche, cette industrie se distingue bien sûr par d'autres pollutions, en premier lieu ses déchets nucléaires dont le problème n'est toujours pas résolu à ce jour et requiert une gestion lourde et potentiellement très dangereuse.
Déchets à haute et moyenne activité à vie longue (HAVL/MAVL)
Les HAVL sont des déchets issus du cœur du réacteur. Ils présentent une très haute radioactivité et resteront actifs pour des centaines de milliers ou des millions d'années. La France en produit 1150 tonnes par an (l'EPR devrait réduire ce volume) et ils concentrent 95% de la radioactivité totale des déchets du nucléaire. Il s'agit typiquement d'uranium et de plutonium, et de produits de fission (krypton, baryum, etc). Ces déchets sont évidemment extrêmement dangereux : si un stock d'une tonne se mettait à fuir après 1000 ans, il contiendrait encore assez de radioactivité pour contaminer 100 km3 d'eau au niveau des limites autorisées[11].
Après plusieurs mois passés en refroidissement, on sépare les composants (uranium, plutonium, etc). Certains sont recyclés en MOX, le reste est vitrifié : ils sont fondus et mélangés à du verre (à base de bore), puis refroidis pour se solidifier. Enfin, ils sont recouverts d'un revêtement en acier. L'intérêt de cette méthode est que le verre ainsi produit peut résister à toutes sortes d'agressions : chaleur, inondation, radiations, etc. Par ailleurs, il possède une durée de vie de dizaines ou centaines de milliers d'années. Pour l'heure, ces déchets vitrifiés sont stockés sous l'usine de retraitement, à la Hague ou à Marcoule, ce qui n'est qu'une solution temporaire qui pose des problèmes de sécurité.
Temporaire car la durée de vie de ces conteneurs est certes longue mais un tel laps de temps ne suffirait qu'à rendre les déchets moins dangereux mais pas inoffensifs. Il ne s'agit donc que d'une solution en attendant que la France ait définit une stratégie de gestion à long terme, pour lequel des recherches sont poursuivies depuis 1991. Plusieurs possibilités sont entrevues :
- Expulsion dans le soleil. Cette solution, définitive et sans conséquence environnementale, est pour le moment ignorée non pour des raisons de coûts (tout à fait acceptables) mais du fait des risques : si un accident se produisait, les déchets pourraient être relâches dans l'atmosphère ou éparpillés sur la surface.
- Transmutation de ces éléments radioactifs en d'autres inoffensifs ou moins dangereux. Ceci serait déjà possible dans des réacteurs à neutrons rapides tels que l'ancien Superphénix mais puisque ceux-ci présentent un danger non-négligeable...
- Entreposage de longue durée en surface ou subsurface.
- Stockage géologique définitif ou réversible.
Quant aux MAVL, il s'agit de déchets ayant été en contact proche avec le cœur du réacteur, telles que les coques des pastilles d'uranium. Ils représentent, en France, 850 tonnes de déchets par an et concentrent 4% de la radioactivité totale des déchets du nucléaire. Leur retraitement est assez simple puisqu'ils sont compactés et stockés dans des conteneurs de même forme que ceux des déchets vitrifiés. La question de leur gestion sur le long terme demeure elle aussi en suspens.
Déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC)
Il s'agit principalement d'outils utilisés en contact avec le nucléaire. La France en produit plusieurs milliers de tonnes par an et leur dangerosité est faible, comparable à celle de déchets chimiques mineurs. Leur durée de nocivité est inférieure à 300 ans (demi-vie inférieure à 30 ans). L'essentiel de ces déchets peut être manipulé sans protection particulière.
Leur conditionnement est en général sommaire : stockage dans des conteneurs ou (pour les liquides, en cas de risque de réaction chimique, pour ceux ayant une activité radioactive moyenne, etc) coulés dans des matrices. Certains peuvent même être stockés telle quelle (grandes pièces métalliques). Les matériaux utilisés peuvent être l'acier (ordinaire ou allié), certains ciments, du bitume, des résines. Ces fut sont finalement stockés dans des lieux de stockage dédiés, principalement dans la Manche et l'Aube. Dans le premier site, aujourd'hui plein, les futs étaient entreposés à même la terre puis recouvert d'un tumulus de terre. Dans ce second site, des casemates en béton sont coulées, puis remplies avec des futs de déchets et enfin inondées de béton. Les industriels recherchent actuellement de nouveaux sites ce qui, bien sûr, suscite en général beaucoup d'opposition au niveau local.[12].
Déchets à très faible activité (TFA)
Il s'agit là de tout ce qui ne présente pas d'activité radioactive particulière mais s'est trouvé en contact avec une installation nucléaire, tels que les déchets de démolition des bâtiments des centrales aujourd'hui démantelées. Cela représente plusieurs dizaines de milliers de tonnes par an. Jusqu'à il y a peu, la France faisait figure d'exception puisqu'elle imposait pour ces déchets un stockage particulier, sur les mêmes sites que les FMA-VC. Désormais, ces déchets vont être banalisés et recyclés vers les industries conventionnelles.
Autres pollutions
L'analyse du cycle de vie impose de prendre en compte les activités en amont de l'exploitation. Ces pollutions sont comparables à celles d'une importante activité industrielle.
- L'extraction des combustibles pour les besoins français a produit, à ce jour, dans les pays exportateurs (Niger, Canada, Australie, etc), 52 millions de tonnes de résidus d'extraction, considérés comme étant de faible activité à vie longue.
- La purification des combustibles (à Malvesi, près de Narbonne) produis de vastes quantités de déchets (combien et quoi ?), tels que de l'azote ayant conduit à l'eutrophisation de l'étang de Bages-Sigean.
- L'enrichissement des combustibles (à Bessines, dans le Limousin) produit à son tour des déchets, ainsi que des rejets (voir ci-dessous).
- Comme toute activité chimique, l'ensemble du procédé industriel rejette des effluents (gazeux et liquide, parfois même radioactifs) dans l'environnement.[13] Mais ces rejets, même lorsqu'ils sont (faiblement) radioactifs, répondent tous aux normes européennes exigées pour un "impact zéro". Des anomalies sont toujours possibles mais elles sont alors publiquement rapportés.
- Enfin, il existe des problèmes de légionellose autour des centrales nucléaire, EDF bénéficiant d'un régime d'exception qui autorise dans les cheminées des concentrations bien plus élevées que les normes habituelles.
Perspectives futures
La fusion nucléaire est parfois présentée comme le Saint-Graal de l'énergie nucléaire civile : économique (dix fois plus efficace que la fission), utilisant un combustible disponible à profusion (un milliard d'années de réserve), ne produisant pas directement de déchets radioactifs, présentant des risques plus faibles de contamination radioactive (produits de fusion non-radioactifs, quantités de combustible divisées par dix) et a priori de meilleures conditions de sécurité (contesté par des scientifiques reconnus tels que Pierre-Gilles de Gennes[14] ou le japonais Koshiba), avec une absence totale de risque d'emballement (dans la perspective d'une future exploitation, le problème est en fait d'empêcher la réaction de s'arrêter d'elle-même).
Mais les recherches ont débuté depuis plus de quarante ans. On estimait alors le temps nécessaires à quatre décennies et, aujourd'hui, on en donne toujours la même estimation. Qui plus est, les coûts de recherche sont estimés en milliards d'euros et ne cessent d'augmenter.[15] Le défi est en effet important puisqu'il faut projeter les noyaux atomiques l'un contre l'autre à des vitesses extraordinaires (des centaines de millions de degrés) en luttant contre leur répulsion naturelle, le plasma étant comprimé au moyen de champs magnétiques très intenses et de lasers. Des progrès ont toutefois été accomplis durant cette période puisqu'on parvient désormais à maintenir la réaction pendant plus d'une minute tout en produisant plus d'énergie que l'on en consomme.
La fusion nucléaire est l'objet de plusieurs expériences colossales, telles que le projet international ITER (à Cadarache) ou le laser français Mégajoule, ainsi qu'aux États-Unis ou au Japon.
Voir aussi
Liens internes
- Énergies renouvelables
- Limites des énergies renouvelables
- Déchets - le cauchemar du nucléaire (film documentaire)
- Réseau Sortir du nucléaire
- Radioactivité
Liens externes
- Wikipedia: Liste des accidents nucléaires
- http://www.sortirdunucleaire.org
- Un dossier diversifié sur l'énergie nucléaire
- Les réacteurs de génération IV arriveront trop tard et en trop petit nombre
- http://www.criirad.org/
- 2053 explosions nucléaires en un demi-siècle
Références
- ↑ Le nucléaire : une solution d'avenir ? - notre-planete.info
- ↑ Plan de sortie du nucléaire en 5 à 10 ans par Sortir du Nucléaire
- ↑ Viepublique.fr - Le coût de l'électricité en France.
- ↑ Sortir du nucléaire - Le flop économique
- ↑ CEA - L'économie du nucléaire
- ↑ Romandie News - EDF envisage d'affecter 50% de RTE au démantèlement des centrales.
- ↑ AIEA - Chernobyl's legacy
- ↑ Atomic Archives - Enfin une demi-vérité sur l'autre Tchernobyl
- ↑ SFEN
- ↑ Statistiques sur l'uranium consommés par les centrales nucléaires
- ↑ [pdf]Les déchets radioactifs - Greenpeace Belgique
- ↑ L'enfouissement enterré à Auxon - Liberation.fr
- ↑ /communiques/affiche.php?aff=486 Le nucléaire, une énergie "propre" ? - Communiqué du Réseau Sortir du Nucléaire
- ↑ Recherche : le cri d'alarme d'un prix Nobel - Les Echos - Jeudi 12 janvier 2006
- ↑ Le coût d'ITER pourrait flamber - La Recherche n°422 - septembre 2008
Bibliographie
- L'eau et le champagne menacés par les déchets radioactifs, article de Michel Marie, "L'Ecologiste" n°19, juin-juillet-août 2006, p. 28-29
- Film « Déchets, le cauchemar du nucléaire » de Eric Guéret et Laure Noualhat.
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