Distributisme
Sommaire
Principes[modifier]
Tiré d'une conférence [1] donnée lors du 9ème Congrès International de BIEN [2].
« L'économie distibutive, c'est d'abord la reconnaissance que chacun d'entre nous est co-héritier des fruits du travail des générations qui nous ont précédé. C'est l'économie de l'abondance, par opposition à l'économie actuelle qui reste basée sur des lois héritées d'une économie de rareté.
La mutation technologique informationnelle[modifier]
« À la veille de la Deuxième Guerre Mondiale, l'automatisation des machines énergétiques s'était répandue avec une si forte ampleur qu'un esprit averti et précurseur comme celui de Jacques Duboin pouvait prévoir « la grande relève du travail des hommes par la machine ». Mais il ne pouvait imaginer qu'au milieu du XXe siècle, les humains acquerraient la capacité de saisir, dans les occurrences de la matière dans l'espace et dans le temps, une caractéristique inédite : on débusque à côté de la masse et de l'énergie, une nouvelle grandeur physique mesurable (dénuée de sens). Établie en bits, elle est dénommée avec maladresse : information. Elle fonctionne par des signaux, des codes, des mémoires, des langages. Des technologies inédites naissent de cette nouvelle connaissance : l'informatique, la robotique, les télécommunications informationnelles, les biotechnologie|biotechnologies.
« À l'ère énergétique se substitue alors progressivement l'ère informationnelle et à l'automatisation des outils et des machines succède une informatisation généralisée en réseau|réseaux des artefacts créés par l'homme. À côté de bien d'autres bouleversements que nous n'aborderons pas ici, la logique des systèmes économiques en place et le travail salarié lui-même voient se briser progressivement leurs mécanismes :
- le champ économique s'étend de manière foudroyante dans l'espace et le temps, c'est la mondialisation ;
- les règles de l'échange économique traditionnel sont détruites : la commande informatisée (et/ou clonée) permet la duplication à faible coût et l'entrée dans le monde inédit de la reproductibilité semi-gratuite des biens comme des services;
- la croissance du PIB et de l'investissement ne favorisent plus la montée de l'emploi à la grande stupéfaction des économistes orthodoxes;
- surtout, le travail humain salarié (qui cesse d'être matériel pour devenir logiciel) est toujours de moins en moins sollicité pour produire toujours plus de richesses (biens et services).
« L'économie capitaliste de marché sur laquelle est plaquée la mutation informationnelle ne fait pas bon ménage avec elle ; elle révèle ainsi son incapacité naturelle à réguler l'abondance possible dans la création de richesses quantitatives et à résorber les déséquilibres produits; aussi le non-emploi, la précarité, la pauvreté se développent-ils à grande allure dans les pays développés en particulier là où l'on veut préserver la sécurité sociale et l'art de vivre acquis depuis un siècle. Et ce n'est que le début car la mutation technologique se poursuit. Partout dans le monde, un sombre avenir se dessine : la précarité de vie pour un nombre exorbitant de citoyens en contrepartie de l'enrichissement scandaleux de quelques-uns. La montée des violences de toutes sortes qui accompagnent cette situation fait craindre à juste titre une implosion générale catastrophique.
« Aussi longtemps que la signification de la mutation technologique informationnelle ne sera pas acceptée par les responsables ni expliquée à l'opinion publique, l'avenir si riche pour tous qu'elle pourrait offrir, sera barré ; et cela au nom de la défense d'une économie de marché incapable par nature de maîtriser toute situation d'abondance et de répartir des richesses qui ne cessent d'augmenter avec de moins en moins de labeur humain ».
L'abondance possible[modifier]
[…] je vais rappeler quelques chiffres. En France, entre 1850 et 1997, le nombre d'heures de travail annuel d'un salarié est passé de 5 000 à environ 1 600. Rapportée à la durée totale du temps éveillé sur l'ensemble du cycle de vie, le temps de travail qui était de 70 pour cent en 1850 ne représente plus que 14 pour cent aujourd'hui. Cette évolution est observée dans tous les pays industrialisés. Et malgré cela, de 1960 à 1990, la production mondiale par habitant, donc en dépit de la croissance démographique, a été multipliée par 2,5. En France, en 10 ans, le PIB s'est accru de 1.350 milliards de francs, soit en moyenne, de 30,5 euros par personne et par mois. Aux États-Unis d'Amérique, il a augmenté en 20 ans de 2.000 milliards de dollars, soit de 75 pour cent. Rappelons aussi qu'en 30 ans, la production alimentaire mondiale est passée de 2 300 kilocalories quotidiennes par individu à 2 700, soit respectivement de 90 pour cent à 109 pour cent des besoins fondamentaux, et ces résultats ont été obtenus avec un nombre d'agriculteurs de plus en plus réduit.
Le revenu social[modifier]
Puisque la richesse augmente alors que le travail de production diminue il faut se donner les moyens d'assurer le partage équitable des richesses produites. C'est ce que réalise l'économie distributive en attribuant un « revenu social » à chacun, de sa naissance à sa mort. C'est sa part d'héritage ! « La communauté doit donc faire vivre tous ses membres puisque, grâce à eux, elle en a définitivement les moyens. Son rôle n'est pas et n'a jamais pu être de leur procurer du travail (entreprise chimérique même dans l'ère de la rareté), mais de procurer des produits.
Ainsi le droit aux produits et aux services découle uniquement du fait que l'on appartient à la race humaine. C'est l'imprescriptible droit à la vie que l'homme possède à l'état sauvage et auquel il ne peut renoncer si le hasard de la naissance l'introduit dans une société modernement équipée. Le droit aux produits et aux services doit-il être égal pour tous ? On répondra affirmativement puisque le labeur humain, conjugué aujourd'hui avec l'outillage dont on dispose, fournit un rendement qui n'est plus proportionnel au labeur. Comment, dans ces conditions, discriminer la part qui revient à chacun ? Certes, je conviens que cette prétention apparaît exorbitante à première vue car elle heurte brutalement les usages, les préjugés et, disons le mot, les préventions. Empressons-nous de dire que l'égalité économique absolue de tous n'est pas indispensable à l'économie de l'abondance.
Il est possible de prévoir, surtout dans les débuts, tel ou tel mode de distribution avantageant par exemple l'ancienneté, les aptitudes, la responsabilité, la collaboration intellectuelle. En fait, je ne vois pas le critérium dont on pourra se servir, car l'idée d'abondance hurle d'être accouplée à celle d'une distribution variant avec les individus, l'abondance excluant la nécessité de faire des portions ».
Un service social[modifier]
Puisque nous sommes tous cohéritiers d'un patrimoine mondial qu'il s'agit d'améliorer autant que possible et de transmettre aux générations futures après en avoir partagé équitablement l'usufruit, nous devons participer à la vie de la société dans la mesure de nos moyens respectifs et selon les besoins de cette société. « Tout homme doit un certain labeur pour avoir droit, non pas à sa place au soleil, mais à sa part dans le surplus social que crée la communauté dont il fait partie. Je dis tout homme, sans exception, comme aujourd'hui tout homme bénéficie de l'organisation de la défense nationale, même s'il fit un soldat déplorable pendant son service militaire. L'idée de récompenser le labeur fait encore partie de l'ère de la rareté. Tout ce que la société peut exiger de ses membres, c'est l'effort, quelle que soit son efficacité puisque celle-ci dépend de circonstances étrangères à la volonté humaine. Pourquoi le fait d'être plus intelligent ou plus vigoureux créerait-il un titre à une rémunération plus élevée ? Si le travail du bœuf est plus considérable que celui de l'âne, récompensez-vous le bœuf et punissez-vous l'âne ? La justice sociale est un bienfait qu'apporte l'ère de l'abondance. L'effort seul est réclamé, dans la mesure des aptitudes, alors que le résultat dépend des facultés de chacun » [3].
Une autre monnaie[modifier]
À cette nouvelle économie qui n'est plus basée sur l'échange, il faut une nouvelle monnaie qui se substitue à la monnaie actuelle. C'est la monnaie distributive gagée sur les richesses produites, proportionnellement à leur empreinte écologique. C'est une monnaie de consommation qui, par essence, ne peut pas rapporter d'intérêt, et qui s'annule quand elle a servi à faire passer un bien ou un service du producteur au consommateur (comme un ticket de métro ou un billet de chemin de fer). Elle n'est donc qu'un pouvoir d'achat et son nom vient de ce que c'est là sa seule fonction.
Il n'y a aucun obstacle technique à la mise en place de la monnaie distributive : le montant de la masse monétaire émise pendant une période donnée est égal au prix total des biens mis à la vente. Ainsi, à toute nouvelle production correspond l'émission d'une nouvelle quantité de monnaie. Tous les citoyens ont un compte individuel qui est périodiquement réapprovisionné. Ces comptes sont débités à chaque achat, la somme correspondante étant annulée. Il suffit pour cela qu'un organisme public soit seul habilité à alimenter chacun des comptes personnels. La plupart des commerçants sont déjà équipés de machines qui débitent les comptes en lisant une carte à puce. Certains, en France, sont même équipés de nouvelles machines permettant de traiter des achats de très faible valeur (pain, journaux, ...) dans le cadre de l'expérimentation actuellement en cours de ce que l'on appelle le « porte-monnaie électronique ».
D'autre part, les processus de création monétaire et d'annulation de crédit sont des opérations classiques; les banque|banques les pratiquent tous les jours : elles ouvrent un crédit par un simple jeu d'écriture, c'est-à-dire qu'elles enregistrent dans un ordinateur le montant des sommes « prêtées » et elles annulent les crédits correspondant, lorsque leurs clients les remboursent, par un autre jeu d'écriture comptable (en tapant un signe - sur leur clavier d'ordinateur). La différence est que dans le système actuel ces moyens sont le privilège des banques, qui créent la monnaie selon leurs propres critères et en tirent au passage un intérêt, sous forme d'un pourcentage ; alors qu'en économie distributive, ce sont des organismes publics qui en assument la responsabilité, en exécutant des décisions prises démocratiquement en prenant en compte des critères autres que financiers. En outre, ils ne prélèvent aucun intérêt. »
Voir aussi[modifier]
Liens internes[modifier]
Liens externes[modifier]
Références[modifier]
- ↑ Conférence Pour une conditionnalité transitoire donnée lors du 9ème Congrès International de BIEN : « Sécurité du revenu : un droit », Genève, Bureau International du Travail, Jean-Pierre Mon, 12-14 septembre 2002, Article
- ↑ Site du Basic income european network, NIEN ou Réseau européen pour une allocation universelle, Index
- ↑ Duboin J., 1936
Bibliographie[modifier]
- La Fin de quel Travail ?, voir Travail salarié : deux données centrales, de J. Robin, La Grande Relève n° 972, décembre 1997.
- Libération, de Jacques Duboin, Grasset éd., 1936, p. 234. Plus d'infos