La Dame de Condé
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La Dame de Condé est une histoire visant à faire réfléchir et à susciter le débat à propos de l'économie.
Sommaire
L'histoire[modifier]
« Nous sommes à Condé-sur-Gartempe. Son hôtel de la Gare est réputé pour ses ortolans et pour sa discrétion ! Un vendredi après-midi débarque une jeune femme, d'apparence convenable, bien qu'un peu trop fardée.
Elle réserve une chambre à un grand lit pour la nuit et, comme elle n'a pas de bagage, elle laisse en acompte un billet de 500 F, tout neuf. Puis, elle s'en va visiter la vieille ville.
Le pâtissier qui a vu la scène dit au patron: "Ça fait 6 semaines que vous me devez 500 F pour la pièce montée que j'ai livrée à l'occasion de la communion de votre fille". Le patron lui donne le billet de bonne grâce.
Comme cette scène a été vue par d'autres, elle se reproduisit 5 nouvelles fois car le pâtissier devait aussi 500 F au minotier,.., qui en devait autant au garagiste,... lui-même débiteur de cette somme au boucher,... qui avait à régler 500 F au représentant de la maison Elida,... lequel devait à son tour acquitter sa chambre à l'hôtel de la Gare pour 500 F.
Au moment où le représentant donne le billet au patron de l'hôtel, notre dame revient de promenade. Elle annonce qu'elle annule sa réservation. L'hôtelier lui rend donc son billet qu'elle brûle aussitôt. "Il était faux", dit-elle en souriant..
Vrai ou faux, ce billet a permis d'annuler 3 000 F de dettes qui, sans lui, seraient restées impayées. »
Mécanisme économique[modifier]
Rôle fiduciaire de l'argent[modifier]
Pourquoi un billet faux a t-il été capable de catalyser autant d'échanges? Parce qu'un billet est de la monnaie fiduciaire (du latin fiducia: confiance). C'est exclusivement une "valeur de confiance" entre les membres d'une communauté. Dans un autre pays, il n'aurait pas été accepté. Un billet faux perd "sa valeur" quand il se révèle faux et n'est plus accepté par celui qui le reçoit. C'est celui qui le détient qui assume la perte. Dans cette histoire, il n'y a pas eu de perte sauf pour la Dame de Condé qui sachant qu'il était faux l'a détruit.
Serait-ce qu'il y a carence de pouvoir d'achat dans notre société? En effet la Dame de Condé, en réservant sa chambre, a accru de 500 francs la masse monétaire du village, ce qui a permis à six personnes d'éteindre réciproquement leurs dettes. La nature de la monnaie utilisée, bonne ou mauvaise, est indifférente. C'est une façon de montrer que la monnaie d'échange, quand elle circule, peut être considérée comme un voile, ne modifiant en rien les échanges de biens et de services.
Équilibre financier au sein du village[modifier]
Le billet est faux. C’est le plus spectaculaire de cette histoire, et pourtant c’est bien la réalité.
S'il a permis d'effacer les dettes, c'est qu'il existe un consensus dans le village sur les prix des différentes prestations réglées par la circulation de ce billet. Ce consensus résulte forcément d’une concertation préalable et d’une délibération que nous supposerons démocratique pour rester dans la symbolique que les gouvernements occidentaux revendiquent hautement. Les différentes dettes sont toutes égales. La Dame n’a tenu aucun rôle dans la fixation des prix de ces différentes prestations.
Avec ces règlements, l’ensemble des acteurs du village se retrouve en équilibre comptable, en temps réel, de ses transactions commerciales. Il n’y a eu aucune catalyse d’échange comme le commentaire a pu le suggérer, ceux-ci étaient antérieurs à l’apparition du billet.
Cette histoire est-elle applicable en réalité ?[modifier]
Non Non[modifier]
Si un des acteurs de cette histoire avait donné le billet à quelqu'un qui n'a aucun lien avec l'hôtelier, ce dernier aurait dû rendre 500F de sa poche à la dame. Un trou de 500F dans la caisse. Cette histoire ne serait valable que dans une société composée d'une poignée d'individus. Dans la réalité, c'est une fable à l'usage des incultes en économie.
Oui[modifier]
Bien au contraire, cette histoire est d'autant plus vraisemblable que le nombre d'individus concernés est grand. En raisonnant par l'absurde, si condé représente le monde entier, c'est à dire l'ensemble du système économique, il ne peut y avoir de fuites. Si cette fable est peut être critiquable, ce n'est pas dans ce domaine, mais plutôt sur le fait que, hélas ou non, la monnaie ne peut être considérée, hélas, comme un simple voile monétaire, sinon il suffirait de faire du troc, c'est d'ailleurs ce que, implicitement, il se passe à Condé.
Cependant, il faudrait qu'à l'échelle du monde, les dettes soient toutes les mêmes, ce qui ne tiendrait pas comptes des inégalités entres pays, individus, etc.
Généralisation : le rôle des banques[modifier]
Suite de l'histoire[modifier]
« Hôtelier et ses collègues sont contents: ils ont trouvé le moyen de ne plus se casser la tête à se rappeler leurs dettes respectives. Ils ont décidé d’aller un peu plus loin et de demander à la Dame de fournir à chacun une somme en (faux) billets correspondant à leur besoin de trésorerie correspondant au temps qu’ils ont prévu d’attendre avant de réévaluer les prix des diverses prestations. Ils ont convenu que ces nouveaux prix tiendraient compte de la conjoncture qu’ils avaient connu pendant cette période (notamment des récoltes et de la météo, et de ce qu’on pouvait prévoir pour la période suivante). Ils ont décidé que la Dame ferait partie de l’équipe et qu’elle serait rémunérée pour la fonction qu’elle tiendrait auprès d’eux: remplacer les billets devenus inutilisables. »
La Dame tient ici un rôle de banquière simplifié. Cette fable rappelle certaines initiatives comme la création de monnaies locales.
Un système de crédit[modifier]
« Six mois après , certains des villageois ont constaté que leur dotation en billets n’était plus suffisante pour entreprendre les travaux qu’ils avaient envisagé, en accord avec la communauté. Ils ont demandé à obtenir une rallonge personnelle liée à ces projets: l’assemblée a conclu que, puisque ces billets étaient faux, il n’y avait aucun inconvénient à en donner des supplémentaires au demandeur, qui seraient détruits quand il les aurait remboursé à la Dame.
Il fut aussi conclu que, si le demandeur venait à faillir à rembourser lors d’un projet accepté par la communauté, on trouverait un remplaçant pour achever l’ouvrage et finir de rembourser. Et comme il fallait malgré tout prévoir le cas où le projet accepté par tous se révélerait ruiné par des circonstances imprévisibles, il serait prévu pour tous les projets un léger excès de remboursement, géré en mutuelle, pour rétablir l’équilibre comptable.
La Dame serait chargée de toutes les opérations financières associées, et à leur publicité devant l’organe de concertation du village, et rémunérée pour le service. Toutes ces dispositions respectent bien le concept fondamental de la fausse monnaie. La Dame, c’est bien entendu La Banque. »
À quoi servent en fait les banques : la vraie Dame de Condé…[modifier]
Les intérêts[modifier]
« Nous sommes toujours à Condé-sur-Gartempe…
La même Dame est venue passer la journée, le billet a circulé tout pareil. Mais quand la Dame est revenue, elle a tenu un discours différent: je n’ai jamais eu l’intention de passer la nuit ici : « et pourtant, - dit-elle - , me suis démunie de mon argent pendant quelques heures, j’ai pris le risque que vous le perdiez, celui d’un tremblement de terre, de…, enfin j’ai investi , comme d’ailleurs vous auriez pu (et dû !) le faire au lieu de le faire circuler bêtement. Ce risque doit être rémunéré. Donc je dois récupérer 600F, les 500F que je vous ai remis et que je vais brûler car ils sont faux, plus 100F d’intérêt. Et bien sûr, ces 100F vous ne les avez pas ! Je vais donc prendre le repas de ce soir chez vous, vous m’en mettrez pour 100F… ou plutôt je vous achète ce bout de terrain dont vous ne faites rien… ou plutôt… » »
Que s’est-il donc passé ?[modifier]
Un miracle, tout simplement, la Dame a ainsi pu matérialiser le rejeton du faux billet de 500F, celui de 100 F. Et c’est le principe de l’intérêt. Il transforme tout prêteur en faux monnayeur légal : tout prêt d’argent à intérêt est celui d’un « mistigri » qui rapporte tant qu'on se fait rembourser…
Cependant, si les habitants s'étaient rendus compte seuls de l'égalité des dettes, ils n'auraient pas eu besoin de la banque et n'auraient pas eu à fournir 100 F d'intérêts.
Conclusion : l'utilité de la fable[modifier]
Une « science » (comme l’économie monétariste nous est présentée) qui peut faire de pareils miracles, ce n’est assurément plus une science, c’est une religion, c’est l’équivalent laïc de la transsubstantiation du dogme catholique, mais cette fois, bien dans le domaine du réel.
La fable de la Dame de Condé est en fait une parabole qui devrait être incontournable (sous cette forme, ou sous forme académique) dans le chapitre 1 de tout manuel d’économie qui ferait preuve d’honnêteté intellectuelle et qui devrait disserter du but et des limites de validité de la circulation monétaire.
Compléments[modifier]
Articles connexes[modifier]
- Économie
- D'autres fables sur l'économie :
Liens externes[modifier]
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